Benjamin Duboc « Primare Cantus »

Benjamin Duboc

Primare Cantus

Ayler Records 2011

Benjamin Duboc pirmare cantus

A Benjamin Duboc, artiste régulier du label, Ayler Records offre la belle opportunité de développer ses conceptions musicales sur la longueur. Primare Cantus se présente donc en un coffret de trois disques, chacun présentant le contrebassiste en contextes différents.

D’abord, il faut souligner l’ambition du projet et sa belle démesure. Ensuite, déjà dire que le résultat est impressionnant, pour qui choisira de s’attarder en compagnie d’une musique qui ne s’offre qu’à l’auditeur qui s’y plonge totalement. Cette immersion en eaux profondes commence doucement, progressivement, en une longue pièce à la contrebasse solo, Primare Cantus, qui occupe tout le disque premier, et qui donnera son nom à l’’ensemble du projet.

La respiration, le battement, le souffle de la contrebasse dans cette première et longue pièce captive tout le long de ses 42 minutes en un voyage presque immobile. La musique y est jouée sur le cordier de la contrebasse, à l’archet, et explore ainsi le registre le plus grave de cet instrument grave. Elle se déplace lentement, par infimes variations, par petites touches qui créent un sentiment d’engourdissement et de fascination.

Sur le second disque, la contrebasse de Duboc, qui si elle n’est plus seule n’en demeure pas moins centrale, se fait tendrement envelopper jusque dans ses dissonances par le saxophone ténor de Sylvain Guérineau, les saxophones ténor et  baryton de Jean-Luc Petit ou les percussions de Didier Lasserre. Les 10 pièces, toutes jouées en duo, qui figurent sur ce deuxième disque font surgir de bien contrastés univers. Ses trois compagnons offrent à Benjamin Duboc un miroir aux propres étendues parcourues par les cordes insatiables de sa contrebasse. Avec l’improvisation comme ligne d’horizon sont foulées les pistes accidentées du free jazz (en particulier quand Duboc converse avec Guérineau) et les surfaces planes et légèrement ondoyantes découvertes sous l’impulsion patiente de la cymbale et du tambour de Lasserre. Cette pièce centrale, ces dix poings libres et resserrés offrent les plus beaux moments de Primare Cantus (Après la neige avec Petit et Après la sève avec Lasserre, pour n’en citer que deux,  sont magnifiques).

Le disque qui clôt cette trilogie continue de mener le même travail attentif et passionné de révélation de l’intime matière sonore. Ici, trois titres. Une longue pièce en duo avec Pascal Battus et ses micros de guitare (Un Nu, intense, orageuse), une autre, tout aussi longue, en trio (Garabagne, extraordinaire montée en puissance et autre moment de grâce du coffret ! – sur laquelle Duboc est accompagné de la pianiste Sophie Agnel et du trompettiste Christian Pruvost) et enchâssé entre les deux un court « field recording ». A savoir l’enregistrement brut de feuilles agitées par le vent, qui prend tout sens et relief ici. Car chez Duboc, le son de la contrebasse se mêle à celui de son propre souffle, les instruments se révèlent autant par les notes jouées que par l’air vibré. Chez Duboc, la musicalité se niche partout, et les musiciens et leurs instruments ne sont que des médiums de cette musique. Cette courte pièce, Chêne, nous rappelle à la dimension quasi chamanique de la musique jouée lors des trois disques.

Le disque refermé, la musique est toujours là.

Playlist du 20 avril 2012

HOMMAGE A JULIAN « CANNONBALL » ADDERLEY


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Cannonball Adderley. Presenting Cannonball Adderley (Savoy 1955)

A little taste (5’10’’ – Cannonball Adderley)

Cannonball Adderley: alto sax – Nat Adderley: cornet – Hank Jones: piano – Paul Chambers: bass – Kenny Clarke: drums

Cannonball Adderley. Something Else (Blue Note 1958)

Love for sale (7’00’’ – Cole Porter)

Cannonball Adderley: alto sax – Miles Davis: trumpet – Hank Jones: piano – Sam Jones: bass – Art Blakey: drums

Cannonball Adderley. Cannonball Adderley Quintet in Chicago (Mercury 1959)

Wabash (5’45’’ – Cannonball Adderley)

Cannonball Adderley: alto sax – John Coltrane: tenor sax – Winton Kelly: piano – Paul Chambers: bass – Jimmy Cobb: drums

Miles Davis. Kind of Blue (Columbia 1959)

So what (9’20’’ – Miles Davis)

Miles Davis: trumpet – Cannonball Adderley: alto sax – John Coltrane: tenor sax – Bill Evans: pianoPaul Chambers: bass – Jimmy Cobb: drums

Cannonball Adderley Quintet. Them Dirty Blues (Riverside 1960)

Work song (5’00’’ – Nat Adderley)

Cannonball Adderley: alto sax – Nat Adderley: cornet – Barry Harris: piano – Sam Jones: bass – Louis Hayes: drums

Cannonball Adderley Sextet. In New York (Riverside 1962)

Syn-Anthesia (7’00’’ – Yusef Lateef)

Cannonball Adderley: alto sax – Nat Adderley: cornet – Yusef Lateef: tenor sax, flute, oboe – Joe Zawinul: piano – Sam Jones: bass – Louis Hayes: drums

Cannonball Adderley Quintet. Mercy, mercy, mercy! – Live at the “Club” (Capitol 1966)

Games (7’15’’ – Nat Adderley)

Cannonball Adderley: alto sax – Nat Adderley: cornet – Joe Zawinul: piano – Victor Gaskin: bass – Roy McCurdy: drums

Le météore Cannonball Adderley

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Vendredi 20 avril 2012:

GRAND ANGLE SUR LE SAXOPHONISTE ALTO JULIAN « CANNONBALL » ADDERLEY

Mort prématurément en 1975 à l’âge de 46 ans, Julian Cannonball Adderley reste bien vif en nos mémoires. Quand il commence à se produire à New York en 1955, Charlie Parker vient de mourir et, très vite, Cannonball est surnommé le « nouveau Bird ».Mais i saura imposer son propre son, plus funky que celui de Parker, incarné de belle manière en cette seconde partie des années 50 par le 5tet (parfois 6tet) qu’il mène avec son jeune frère trompettiste Nat Adderley. Sa trajectoire s’accélère encore quand, en 1959, Miles Davis le convie à venir jouer lors des sessions de son disque historique Kind of Blue. Alors, Cannonball était lancé…

Playlist du 13 avril 2012

HISTOIRE(S) ET ACTUALITE(S) DU JAZZ

+ FOCUS SUR LE SAXOPHONISTE STEVE POTTS

Lonely-Woman

PAPANOSH. YOUR BEAUTIFUL MOTHER (Label Vibrant 2012)

Chameau (5’50’’)

RENAUD GARCIA-FONS. SOLO – THE MARCEVOL CONCERT (Enja 2012)

Voyage à Jeyhounabad (extrait – 5’00’’)

CARLOS MAZA. DESCANSO DEL SALTINBANQUI (Label La Buissonne 2012)

Atlas y bajas (6’50’’)

4TET DIFFERENT SONG. STEP INTO THE FUTURE (Leo Records 2012)

Farewell to an old friend (3’30’’)

STEVE LACY SEXTET. THE CONDOR (Soul Note 1986)

Morning joy (9’40’’)

CLAUDINE FRANCOIS QUARTET. LONELY WOMAN (Marge 2003)

The Seagulls of Kristiansund (10’30’’)

GIANNI LENOCI HOCUS POCUS 3 WITH STEVE POTTS. BUCKET OF BLOOD (Silta Records 2011)

Mrs. Fagan (9’00’’)


Gianni Lenoci 4tet feat. William Parker « Secret Garden »

Gianni Lenoci 4tet feat. William Parker

Secret Garden

Silta records 2011

secret garden

D’abord se fait entendre la contrebasse, précipitée, déterminée, presque affolée, puis apaisée à l’arrivée d’un piano et d’une batterie dont les pas seront vite emboîtés par un saxophone alto ample et assuré. Secret Garden commence ainsi. Pour changer bientôt, à coups de subtils dérèglements ou d’emballements plus vifs. Alors on pense à Coltrane, pour cette combinaison de quatre lumineuse : batterie rayonnant large, contrebasse plantée profond dans le sol, piano en accords plaqués, sax au-dessus de la mêlée. Très vite, chacune des quatre voix se singularisera, sans perdre de vue totalement, toutefois, l’imposant héritage. Et de narrer d’autres histoires, de dessiner d’autres figures. Chacun à leur tour, les quatre s’éloigneront de la route qu’ils semblaient vouloir tracer, pour aller se perdre ailleurs.

Les dix minutes du morceau augural de Secret Garden, portant ce même nom, auront passé vite et laissé présager l’importance de ce disque.

A Palindrome Life, deuxième morceau, achève de convaincre. Gianni Lenoci et ses compagnons y offrent une longue méditation, un art de souffle retenu, d’énigme irrésolue. Reprenant les timbres là ou Secret Garden les avait laissés, A Palindrome Life s’éloignera après son premier tiers vers de nouvelles terres. Si la main gauche de Lenoci reste fidèle au piano, la droite égrène les touches d’un mbira. Marcello Magliocchi se concentre alors sur le son mat des seuls tambours tandis que Parker se saisit d’un archet grave. Don Cherry et son folklore imaginaire ne sont pas loin, et seront invités de nouveau sur Mbira, cinquième morceau de l’album, tout aussi convaincant.

Avec Two Days in Amsterdam, le groupe, s’il revient aux formules éprouvées premièrement, les soumettent à une accélération de tempo dont Parker et Magliocchi sont les implacables artisans. Gaetano Partipilo achève de tisser les liens qui le rattachent à l’esprit de Giuseppe Logan et Lenoci dresse un pont entre les pianos de McCoy Tyner et Cecil Taylor.

Le quatrième titre, Splinter, courte course-poursuite au souffle coupé, et le final et plus long Variations, se feront vite oublier, tant tout semble avoir été (bien) dit par ailleurs. Et incitent somme toute à reprendre l’écoute de ce néanmoins très bon disque. Alors, reprenons : d’abord, se fait entendre la contrebasse…

Steve Potts sur tous les fronts

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Vendredi 13 avril 2012:

HISTOIRE ET ACTUALITE DU JAZZ

+ FOCUS SUR LE SAXOPHONISTE AMERICAIN STEVE POTTS

Depuis 1970, Steve Potts vit à Paris, ce qui fait de lui un musicien présent sur tous les fronts : européen et américain. Durant 30 ans, Potts fit partie des groupes de Steve Lacy et grava avec lui près de 30 disques. Leurs deux univers demeurent, forcément, très liés. Au soprano, à l’alto ou au ténor, Potts multiplie les collaborations avec de nombreux musiciens de la scène européenne, comme vient nous le rappeler le superbe disque que le saxophoniste américain et Gianni Lenoci, pianiste italien, viennent de sortir sur le label Slita records, Bucket of Blood.

Playlist du 6 avril 2012

CHICAGO !

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ARI BROWN. VENUS (Delmark 1998)

Venus (13’20’’)

ART ENSEMBLE OF CHICAGO. TRIBUTE TO LESTER (ECM 2003)

Suite For Lester (5’20’’)

KAHIL EL ZABAR’S RITUAL TRIO feat. BILLY BANG.

BIG M – A TRIBUTE TO MALACHI FAVORS (Delmark 2006)

Big M (5’45’’)

CHICAGO TRIO. VELVET SONGS – TO BABA FRED ANDERSON (Rogue Art 2011)

You Just Crossed My Mind (8’00’’)

CHICAGO UNDERGROUND DUO. 12 DEGREES OF FREEDOM (Thrill Jockey 1998)

Gratitude (5’00’’)

CHICAGO UNDERGROUND DUO. BOCA NEGRA (Thrill Jockey 2010)

Spy On The Floor (6’35’’)

CHICAGO UNDERGROUND DUO. Age Of Energy (Northern Spy Records 2012)

Castle In Your Heart (4’30’’)


Direction Chicago

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Vendredi 6 avril 2012:

HISTOIRE ET ACTUALITE DU JAZZ + FOCUS SUR LE CHICAGO UNDERGROUND DUO

Cette année sort le 6ème disque du Chicago Underground Duo, Age of Energy, sur le label Northern Spy Records. Depuis 15 ans maintenant, le percussionniste Chad Taylor et le cornettiste Rob Mazurek mènent le collectif Chicago Underground qui se transforme parfois, au gré des disques et des concerts, en trio, quartet ou ensemble. En duo, les des hommes offrent des climats contrastés et convoquent autant l’Afrique que l’électronique…