Wadada Leo Smith
Spiritual Dimensions
Cuneiform Records, 2009
Par Pierre Lemarchand
Dans ce disque, Wadada Leo Smith se livre à de longues improvisations / méditations autour d’un motif mélodique (Al-Shadhili’s Litany of the Sea : Sunrise) ou rythmique (Umar at the Dome of the Rock, parts 1 & 2). Longues à propos, car il faut du temps, et de l’espace, pour que la musique de Wadada Leo Smith se déploie, que la trompette du leader ondoie au gré des vents de son inspiration.
Ces vents là viennent des terres de Miles. Ce dernier semble partout présent, plus comme un esprit inspirant que comme une ombre étouffante. Pour preuve la sonorité aigrelette et le jeu avec le silence qui frappent dans le disque 1, et l’instrumentation choisie dans le disque 2.
Car cet album est double, et si l’esthétique y est la même, les formations qui l’incarnent diffèrent selon les deux disques.
Tout d’abord, le Golden Quintet, qui joue sue le disque 1, témoignage d’un concert donné lors du Vision Festival 2008. On y retrouve le même contrebassiste (John Lindberg) et le même pianiste (Vijay Iyer) que dans le Golden Quartet de Smith. A la place de Shannon Jackson, deux batteurs sont ici conviés (Don Moye et Pheeroan AkLaff) comme pour souligner l’importance du rythme, de la pulsation comme moteurs de la machine et véhicules pour ces voyages dans l’espace (les terres africaines de Umar) ou le temps, comme l’atteste la plongée dans l’époque funky qu’est South Central L.A. Kulture.
Ce morceau charnière, qui clôt le premier disque, est repris en introduction du disque 2, emmené cette fois par une formation plus ample (un nonet) et plus électrique aussi. Pheeroan AkLaff, John Lindberg et Wadada restent pour y accueillir de nombreuses cordes (le violoncelle de la précieuse Okyiung Lee, quatre guitares électriques et une basse électrique) qui, superposées, sur-imprimées telles des aplats de peintures concourent à créer la pâte sonore de l’orchestre. La batterie, qui émerge de cette pâte liminaire, annonce clairement la couleur : celle de rythmes binaires, tels que Miles les empruntait au rock dans les années 70, mais envoyés ici avec une fraîcheur et une urgence qui nous éloignent assez vite de toute tentative de comparaison.
Car Wadada joue Wadada, et le sillon qu’il creuse depuis tant d’années trouve en ce double disque une belle introduction pour aller plus avant en même temps que l’aboutissement d’une exigeante démarche.
Wadada Leo Smith : Spiritual Dimensions (Cuneiform Records)
Enregistrement : 2008 et 2009. Edition : 2009.
CD 1: Wadada Leo Smith’s Golden Quintet 01/ Al-Shadhili’s litany of the sea: sunrise 02/ Pacifica 03/ Umar at the dome of the rocks, part 1 & 2 04/Crossing sirat 05/ South central L.A. kulture
CD 2: Wadada Leo Smith’s Organic 01/ South Central L.A. kulture 02/ Angela Davis 03/ Organic 04/ Joy: Spiritual fire: joy