Phil Hargreaves / Lee Noyes / Bruno Duplant – Malachi

d_malachiPhil Hargreaves / Lee Noyes / Bruno Duplant
Malachi
Insubordinations, 2009
Par Pierre Lemarchand

Malachi, c’est Malachi Favors, contrebassiste de l’Art Ensemble of Chicago depuis sa création en 1967 jusqu’à son décès en 2004. Ce disque est donc un hommage au musicien disparu. Mais le propos n’est pas tant d’emprunter les voies musicales arpentées par Favors que de perpétuer son esprit : celui de la recherche d’un fragile équilibre, d’une musique sur le fil. Il s’agit avec Favors, comme ici avec Bruno Duplant et ses compagnons, de tenir le jazz à distance mais de rester en son champ, de rester exigent en même temps qu’accessible. Ici, comme là, le contrebassiste est à la fois celui qui emmène les autres musiciens dans des directions aventureuses tout en demeurant un point de repère, un pivot. Ici, c’est lui qui créée le climat, donne le « ton » de chacun des morceaux de ce disque.

Bruno Duplant refuse souvent à sa contrebasse toute résonance, la rend sèche, acérée, vacillante en même temps que déterminée.

La musique jouée par Bruno Duplant, Phil Hargreaves (saxophone) et Lee Noyes (percussions) est une musique de suspens, où les sons émis ne semblent prendre toute leur valeur qu’en tant que signes annonciateurs de ce qui va suivre. En témoignent les titres des morceaux qui, lus à la suite, offrent un poème. Les trois hommes donnent vie à une musique de l’oubli du monde présent et du temps qui passe – musique de l’intériorité, tout en retenue, à la manière de petits fantômes ou de lambeaux de mélodies convoqués par cette configuration en trio vieille comme le monde : peaux + souffle + cordes. Elémentaire.

Phil Hargreaves / Lee Noyes / Bruno Duplant: Malachi (Insubordinations / http://www.insubordinations.net )

Enregistrement : 2009. Edition : 2009.

CD : 1/ Porter attention à ce qui va suivre 2/ Se lever avant le jour 3/ Garder les choses comme elles sont

4/ Parfois ne penser à rien 5/ Oublier que le temps passe 6/ Demander à la poussière 7/ S’aimer le temps d’une éternité 8/ Croire que tout est possible 9/ Ecouter systématiquement son cœur

Paul Motian – On Broadway volume 5

d_broadPaul Motian
On Broadway volume 5
Winter & Winter, 2009
Par Pierre Lemarchand

Voici le 5ème volume de « On Broadway », projet que Paul Motian mène, à la tête d’orchestres changeants mais pour le même label Winter & Winter, depuis 1988. Le propos demeure donc ici le même : revisiter les grands thèmes du Song book américain.

Le sous titre du volume 4, « the paradox of continuity », permet de jeter une éclairante lumière sur ce projet de Paul Motian. Le paradoxe de la continuité, donc. Ou comment le jazz est une musique de perpétuation de l’héritage en même temps que de ré exploration / transformation de cet héritage. Le choix de reprendre des standards porte à son acmé ce paradoxe du changement dans la continuité.

Paul Motian a aujourd’hui 78 ans, et on peut estimer à cinquante années son activité dans la sphère jazz (en 1959, il intègre le trio de Bill Evans avec Scott La Faro). Cependant, l’effet de surprise demeure intact : Paul Motian ne sonne comme personne et on reconnaîtrait sa batterie entre toutes. Le son unique de Motian imprègne la poignée de standards revisités ici, et semble déteindre sur tous les musiciens. La musique est comme en apesanteur, en flottement. Les motifs développés détournent de l’évidence, incarnent l’hésitation et, en empêchant les réflexes de s’exprimer, garantit l’exploration de voies nouvelles.

Après l’écoute de ce « On Broadway volume 5 », dont le plus beau moment pourrait bien être un « Just a gigolo » mis à nu, une impression de paix et d’étrange familiarité demeurent …

Paul Motian : On Broadway, Vol. 5 (Winter & Winter / Abeille Musique)

Enregistrement : 2000. Edition : 2009.

CD : 01/ Morrock 02/ Something I Dreamed Last Night 03/ Just a Gigolo 04/ I See Your Face Before Me 05/ A Lovely Way to Spend an Evening 06/ Midnight Sun 07/ Sue Me