Peter Brötzmann & Jason Adasiewicz
Going All Fancy
Eremite 2012
Ici, gouttes d’eau sur pierres brûlantes, notes aqueuses du vibraphone sur lave incandescente du saxophone. Ou comment la loi physique selon laquelle les pôles opposés s’attirent s’en trouve vérifiée.
Jason Adasiewicz hache son discours, le découpe à l’infini, passe les notes au tamis tandis que Peter Brotzmann, fidèle à lui-même coule son discours comme on fond les métaux. Chacun cherche son or, l’un égrenant le sol, l’autre pelletant des tunnels, mais c’est ensemble finalement que ces deux-là le trouveront. Vite. Dès la cinquième minute de ce disque (les échauffements accomplis, les muscles assouplis), la musique est belle, l’or est trouvé. On avait raison d’attendre beaucoup de ce disque-là.
Adasiewicz, 35 ans, chicagoan, est ce vibraphoniste aujourd’hui incontournable qui, comme hier Walt Dickerson, refuse à son instrument tout espoir d’animer quelque croisière, pour plutôt l’exposer aux quatre vents ou le plonger tout net dans le tumulte océanique.
Brötzmann, 71 ans, citoyen allemand ayant arpenté en tous sens les terres européennes de la musique improvisée, prenant depuis 25 années ses habitudes à Chicago, demeure fidèle à lui-même : généreux, le vibrato débordant, la sonorité énorme et les climax appelant parfois le répit de tempi méditatifs. Et justement, sur Going All Fancy, les rythmes plutôt apaisés de ce disque nous font prendre la mesure de son talent.
Gouttes d’eau sur pierres brûlantes, ou comment l’évaporation se fit musique un 8 juin 2011 à l’Abrons Art Center, New York, en public. Puis à présent, heureusement, incarnée en l’un des disques les plus importants de cette année 2012.