Gaël Mevel Quintet
Images et personnages
Leo Records, 2010
Le dernier album du pianiste Gaël Mevel, en quintet et pour le label Leo Records, se compose de deux longues suites d’une vingtaine de minutes chacune. Jamais, la musique jouée par Mevel et ses compagnons (Jean-Jacques Avenel à la contrebasse, Didier Petit au violoncelle, Jacques Di Donato à la clarinette et Thierry Waziniak aux percussions) ne se départira des climats sereins, méditatifs et concentrés développés dès les premières minutes.
D’abord, c’est au bandonéon que Gaël Mevel dépose délicatement un lambeau de mélodie, quelques notés tirées d’un ailleurs imaginé, entre la comptine enfantine et une rengaine folklorique sans âge. Alors, les instruments, chacun à leur rythme (cette musique est la conjonction de respirations qui se cherchent et se rejoignent !), apprivoiseront ce bout de mélodie, le feront leur en lui dessinant de nouveaux contours qui s’entrelaceront tout au long de la première plage. Ce motif mélodique sera réintroduit dans la discussion régulièrement, tel un témoin de ce passage de relais musical, par Gaël Mevel, discret chef d’orchestre qui propose et recentre les débats plutôt qu’il ne les dirige. Il semble sans cesse rappeler ses compagnons à lui pour mieux leur souffler de s’enfuir à nouveau.
Sur ce disque, la musique est faite de flux et reflux, d’échappées belles et de retours en terra cognita, de boucles et de courbes. Les notes distillées avec économie, la riche interaction entre les timbres et les instruments, lui confèrent chaleur et étrangeté. Les musiciens, tous complices de longue date de Gaël Mevel, balaient de la main toute virtuosité et tout bavardage inutiles. Leur démarche pourrait être celle de la « route ouverte » décrite par D.H. Lawrence lorsqu’il décrivait la poésie de Walt Whitman : « La grande maison de l’âme est la route ouverte. (…) Pas par la méditation. Pas par le jeûne. Pas en explorant paradis après paradis, intérieurement, comme les grands mystiques. Pas par l’exaltation. Pas par l’extase. Par aucun de ces moyens l’âme ne se réalise. Seulement en prenant la route ouverte. »
Le langage commun, l’esperanto du quintet, c’est le silence. Gaël Mevel nous le confirme dans les notes de pochette : « Je remercie ces musiciens d’exception, inventifs et généreux qui partagent avec moi cet espace d’écoute si particulière où, en silence, tout est possible. » A notre tour de les remercier.