Guillaume Roy / Vincent Courtois / Claude Tchamitchian – Amarco

d_amarcoGuillaume Roy / Vincent Courtois / Claude Tchamitchian
Amarco
Emouvance, 2011

Les disques Emouvance sont rares (un ou deux maximum paraissent chaque année) et sont reçus comme autant de bulletins de (bonne) santé de la musique créative d’aujourd’hui. Toujours, ils s’incarnent en de beaux objets au graphisme rêveur et aux textes poétiques éclairants. Souvent, ils s’articulent autour de la personnalité et la musique du contrebassiste Claude Tchamitchian, comme c’est le cas pour ce disque, dernier né du label, Amarco.

Amarco, cela pourrait être la fusion des termes latins amare et arco ; l’amour du jeu à l’archet, alors, peut-être. Amarcord n’est pas loin, du titre du film de Fellini qui empruntait au dialecte romagnol pour nous dire « je me souviens ». Des cordes frottées, donc, au service d’une musique non exempte d’une certaine nostalgie ? Oui, assurément, mais pas seulement.

Amarco, ce sont trois hommes et leurs instruments à cordes graves : Guillaume Roy à l’alto, Vincent Courtois au violoncelle et Claude Tchamitchian à la contrebasse. Depuis 2006, ces musiciens jouent ensemble et c’est la première fois que leur musique est enregistrée. Elle gardera cependant sa caractéristique première : fille de l’instant, elle sera totalement improvisée. Claude Tchamitchian de nous le confirmer : « Le choix du « total acoustique » et du « total improvisé » est vraiment voulu. La dimension magique de la formation en trio, la somme de nos expériences, l’envie d’inventer in situ des textures, des chants et/ou des architectures font de nous les éléments d’un orchestre constamment aléatoire, avec jubilation et sans tabous. »

L’écoute des trois premiers morceaux nous offre d’emblée deux certitudes : les climats créés par le trio seront sans cesse changeants et c’est un grand disque que nous avons là entre les mains. Les palais oubliés, tout d’abord, avec majesté et lenteur, gagne en intensité au fur et à mesure que les cordes seront pincées ou frottées avec plus d’assurance, de profondeur. Puis Amarco, où la mélodie s’affirme à travers les larges coups d’archet comme un lourd soleil percerait l’horizon. Champ contre champ, enfin, où alto et violoncelle tissent une toile ténue entre les attaques véloces des cordes pincées de la contrebasse. Ce n’est qu’un début, les huit morceaux à suivre sont autant de moments de grâce, captés par l’ingénieur du son Gérard de Haro, quatrième homme dans l’ombre et artisan fondamental du son du trio.

Et n’oublions pas : à l’intérieur du disque nous est offerte à nouveau (comme pour la précédente référence du label, Another Childhood de Claude Tchamitchian) la poésie symboliste d’Alain Bouvier. La musique du trio y est évoquée en un remarquable texte « Dans la gueule du loup ou le dernier homme », dont voici finalement quelques phrases : « (…) Elle allume des incendies, elle bâtit des refuges. Elle rêve tout haut de ses utopies d’une poésie aussi lumineuse et sidérante qu’une longue longue étendue de neige sans nulle trace de pas. Elle est une robe de mendiante en chiffons de couleur. Elle est un courant d’air pur qui nous offre asile. Elle est plaisir. Elle se jette dans la gueule du loup parce qu’elle va toujours là où ça se passe. (…) »

Allez l’y rejoindre, nul doute qu’elle s’y jette encore.

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