JAZZ A PART
LIVRES

Voici quelques références de bouquins pour ceux qui voudraient creuser un peu le sujet :

• Philippe CARLES et Jean-Louis COMOLLI, Free jazz black power, Gallimard, 1971

Ecrit en 1971 par un critique cinéaste engagé, rédacteur en chef des Cahiers du Cinéma dans les années 70, et par un expert ès jazz, rédacteur en chef de Jazz magazine et animateur sur France Musiques.
Des work songs, ces chants rudimentaires entonnés par les esclaves, jusqu'aux dernières révolutions free, Free Jazz Black Power dresse un portrait du jazz à travers une grille de lecture marxiste. Ou comment montrer l'ancrage politique, économique, sociologique du jazz aux Etats Unis : le free jazz est alors l'incarnation de la lutte pour les droits civiques incarnée par Martin Luther King, Malcolm X et les Black Panthers.
Ce livre est tout simplement LE livre indispensable pour tous les amoureux du jazz libre.
Allez… une phrase tirée de la préface : « Restez libre et insoumis »

• Philippe CARLES, Jean-Louis COMOLLI et André CLERGEAT, Dictionnaire du jazz, Robert Laffont, collec. Bouquins

Tous les musiciens, ou presque, sont là. Mais sont également évoqués les instruments, les styles, les lieux et les concepts emblématiques de l'univers du jazz.
D'aucuns trouveront cet ouvrage peut-être un peu austère (ça reste un dictionnaire !) mais c'est le prix à payer pour avoir à porter de main une telle mine de renseignements.

 

• Noël BALEN, L'odyssée du jazz, Liana Levi, 1993

Approche chronologique du jazz, des premiers chants d'esclaves jusqu'aux dernières fulgurances free et aux explorations ethniques du jazz…
C'est véritablement une odyssée que nous conte Noël Balen, en ce sens qu'il met l'accent sur les destinées des musiciens, et sur les grandes étapes de l'histoire du jazz qui se font écho de l'Histoire tout court.


Mention spéciale pour les portraits formidables de quelques grands (ceux de Monk, Ayler, Ornette, pour ne citer que ceux là, ne manquent pas de souffle !)

 

• Pascal BUSSY, Coltrane, Librio Musiques, 1999

Un petit ouvrage à la documentation scrupuleuse et d'où tranparaît la passion de l'auteur pour Trane, sa musique, et son incroyable destinée.

A noter : la discographie fournie et justement commentée qui clôt le livre.

 

• Charles Mingus, Moins qu'un chien, Parenthèses Editions, Collec. Epistrophy, 1985

Confession, divagation, délire parfois…
La musique tient curieusement peu de place dans l'autobiographie de Mingus, mais celle-ci n'en reste pas moins passionnante ! Sont largement évoquées sa passion des femmes et sa lutte continuelle (et désepérée) contre le « monde des blancs »
Au final, un livre bourrée d'humour et d'excès.

 

Les années Jazz Magazine - 40 ans de passion, collectif, Edition Filipacch /Jazz magazine, 1994

50 ans de Jazz Magazine !
On retrouve des photos, des interviews (ah ! celle de Mingus, révolté, bougon et agressif, et celle d'Archie Shepp, véritable penseur du jazz) et des analyses.
Les grands spécialistes du jazz sont réunis mais sont aussi mis à contribution des écrivains (Georges Pérec par exemple) et les musiciens eux mêmes (les plus belles pages sont peut être celles retraçant l'interview du batteur Ed Blackwell par le batteur Aldo Romano).

Et puis c'est un magnifique objet…


LeRoi Jones, Le peuple du blues, Edition Folio , 1997

Témoignage et essai, le Peuple du Blues dresse un portrait de la musique noire dans l'Amérique blanche. Le peuple noir, déraciné, plongé dans une société puritaine, matérialiste et raciste, ne doit son salut qu'à la musique. De tous les arts noirs, la musique sera la seule à survivre et forgera l'identité du peuple afro-américain, le peuple du blues.

En exergue de son livre, LeRoi Jones (professeur, critique, poète et dramaturge) écrit : « A mes parents, les premiers noirs que j'aie jamais rencontrés ».

 

Collectif , Les treize morts d'Albert Ayler, Gallimard noire - 1996

Dans le Dictionnaire du Jazz, on peut lire qu'Albert Ayler est « mort par noyade, selon la police ». Mort douteuse, mort jamais véritablement éclaircie que celle du saxophoniste Albert Ayler. Dans ce recueil, treize auteurs de polar nous livrent treize nouvelles, autant de thèses expliquant la mort mystérieuse d'Albert Ayler…

Emmanuel DONGALA. "Jazz et  Vin de Palme".  Edition du Serpent à Plumes. Collection Motifs. 1981
( parution chez Hatier).

Les nouvelles de ce recueil sont imprégnées de l'Afrique (sous son obscur côté : ses guerres civiles, son administration corrompue et sa police brutale) et de l'Amérique (l'hostilité et le racisme de se villes).

La dernière nouvelle (« A Love Supreme »), sublime, évoque John Coltrane, en trois tranches saisissantes : John en quête d'une musique universelle et en prise avec la drogue et l'alcool, John enfin en paix avec lui-même et accoucheur du chef d'œuvre A Love Supreme et enfin John mort et ainsi devenu éternel.

David MARGOLICK, Strange Fruit , éditions 10/18, collection “musiques & cie”, 2000.

Sous-titré « Billie Holiday, le Café Society et les prémices de la lutte pour les droits civiques », ce petit ouvrage est dédié à la chanson Strange Fruit, immortalisée par Billie lors de prestations scéniques poignantes au Café Society, premier café intégré de New York (c'est à dire fréquenté par des noirs comme par des blancs).
Ces étranges fruits chantés par Billie Holiday, ce sont les corps des noirs victimes du lynchage. Strange Fruit apparaît donc rétrospectivement comme l'une des premières protest songs et comme le fer de lance de tout le mouvement pour les droits civiques des afro américains.

Aurélien TCHIEMESSOM, Sun Ra : Un Noir dans le Cosmos , L'Harmattan, 2005.

Assez curieusement, c'est quand il n'évoque pas Sun Ra, mais l'ancrage du jazz dans le contexte socio-économique américain, que ce livre est le plus passionnant. En effet, la première moitié du livre revient sur les prémices du jazz, sur le terreau d'injustice et de ségrégation qui le vit naître, sur les combats qui virent le jour pour que soient respectés les droits civiques des africains-américains. Histoire des noirs américains, histoire du jazz dans laquelle s'inscrit l'histoire particulière de cet allumé notoire (mais musicien passionnant et indispensable) que fut Sun Ra… Le musicien n'eut de cesse d'effacer scrupuleusement tout au long de sa vie sa biographie « première » : il ne reste que peu de traces de l'histoire de Herman Poole « Sonny » Blount, né le 22 mai 1914 à Birmingham, Alabama, chez la tante de sa mère. Sun Ra, car c'est ainsi qu'il se rebaptisera, est né sur Saturne. Bref, toute tentative de biographie semble vouée à l'échec, mais le livre de Aurélien Tchiemissom reste pertinent de bout en bout : grâce aux allers-retours entre histoire de l'homme et histoire de sa communauté, entre histoire du musicien et histoire du jazz, mais aussi grâce aux témoignages de ceux qui côtoyèrent Sun Ra (souvent parce qu'ils firent partie de l'Arkhestra, son oechestre – communauté) Témoignanes qui, au fur et à mesure qu'ilq s'ajoutent, semblent rendre la silhouette de Sun Ra de plus en plus floue…

Et puis, il y a les propos de l'homme lui-même, généreusement retranscrits dans ce livre… Allez, au hasard : « Je suis comme le vent : il va n'importe où, il souffle n'importe où » ou bien encore : « Ma muisque va d'abord faire peur aux gens, car elle représente le bonheur et ils n'en ont pas l'habitude »

Pannonica De Koenigswarter, Les Musiciens de jazz et leurs Trois Voeux, Buchet Chastel, 2006.

Pannonica, à qui de nombreux thèmes de jazz furent dédiés, a été pour de très nombreux musiciens une amie, une confidente, un mécène. Dans sa maison, surnommée Cathouse par Thelonious Monk, pasèrent les plus grands noms du jazz. Entre 1961 et 1967, elle posa aux musiciens qui y séjournèrent cette question ingénue : « Si on t’accordait trois vœux qui devaient se réaliser sur le champ, que souhaiterais-tu ? » 300 musiciens y répondirent, et leurs réponses mettent en lumière les grandes difficultés matérielles dans lesquelles vivaient un grand nombre d’entre eux, en même temps que leur désir d’un monde plus juste, pacifique et spirituel.
C’est donc à un document exceptionnel que nous avons affaire, d’autant plus que le livre comprend de nombreuses photos prises par Pannonica avec son Polaroïd, qui sont aussi médiocres techniquement que détentrices d’une part de vérité jusque là cachée de ces musiciens essentiels qui ont marqué le siècle (notamment des photos de Monk, au repos ou avec son complice saxophoniste Charlie Rouse)
Emouvant !
• John Coltrane – 80 musiciens témoignent. Hommages réunis par Franck Médioni.
Editions Actes Sud, 2007.

Quarante ans après sa mort, survenue le 17 juillet 1967, quatre-vingts musiciens de jazz, toutes générations, tous styles, toutes nationalités confondus, rendent hommage à John Coltrane. Il s’agit ici d’impressions, de réflexions, de souvenirs, de mémoire, d’histoire. Il s’agit surtout de respect et d’amour. Au final, c’est un portrait choral, polyphonique de John Coltrane qui apparaît. Qui laisse entrevoir, derrière le mythe, un homme humble, généreux, timide qui a porté le jazz à un point d’incandescence et de spiritualité jusque là inédit.

• Philippe ROBERT. Great Black Music : un parcours en 10 albums essentiels, Editions Le Mot et le Reste, 2008.

De 1954 (Billie Holiday « Lady Sings The Blues ») à 2005 (Billy Bang “Vietnam Reflections”), Philippe Robert explore en 110 disques les rapports qu'entretint la musique noire (le jazz, la soul, le funk et le rhythm'n'blues) avec la lutte pour les droits civiques des africains-américains mais plus largement avec toute prise de conscience sociale.

Ce livre est attachant car en aucun il ne vise à l'exhaustivité ou à l'encyclopédisme. Il est un point de vue, une porte d'entrée à une réalité passionnante : celle de musiciens engagés qui cherchent, à travers la protestation et la colère ou la quête spirituelle, à relayer la parole de tout un peuple en souffrance.

Tout au long de ce livre nous revient en mémoire cette phrase de Marcus Garvey : « Un peuple sans la connaissance de son passé, de ses origines ou de sa culture est comme un arbre sans racines. »
• Guillaume BELHOMME. Eric Dolphy, Editions le Mot et le Reste, 2008.

Ce petit ouvrage sur Eric Dolphy, s’il suit une certaine chronologie des faits, ne prétend pas cependant tous les éclaircir… Bref, le mystère Dolphy, s’il ne reste entier, demeure bien présent, et c’est tant mieux.

Très documenté, mené d’une écriture limpide, au service du sens et du rythme, Eric Dolphy est le plus bel hommage qui soit au musicien : pas hagiographique pour un sou, ni compassionnel, mais plutôt fraternel et concentré. Dolphy apparaît là comme l’Artiste, incarné dans son œuvre et son parcours musical, plutôt que dans des tourments supposés.

La vie de Dolphy fut brève, tout entière consacrée à la musique, telle ce livre qui lui est dédié. Brève, et émaillée de possibles : « La route que nous parcourons est jonchée de tout ce que nous commençons d’être, de tout ce que nous aurions pu devenir. » disait Henri Bergson…

• Guillaume BELHOMME. Giant Steps : Jazz en 100 figures, Editions le Mot et le Reste, 2009.

Nombreuses sont les anthologies, les exercices imposés similaires... Mais ce "Jazz en 100 figures" semble bien être une introduction idéale à ma musique de jazz en même temps qu’un avisé compagnon de recherches et souvenirs. Bien sûr il y a de grands absents, bien sûr aussi des présents contestables... Mais nous faisons ici face aux règles du genre. Et c’est par ces trous ou ces bosses que l’on reconnaît la nécessaire subjectivité de l’auteur, qui ne peut tout de même pas se cacher complètement derrière ses pages. Les choix, donc, mais aussi l’écriture rendent ce livre attachant et profondément original : laconique, acérée, concentrée. Comme toute en retenue, volontairement effacée, au service de la cause qu’elle sert, comme semble nous le confirmer l’auteur dans son avant propos : "Les chroniques iront au plus pressé au point de jouer les simples introductions à l’œuvre, et rediront au bout de quelques lignes que rien ne vaut l’écoute."

• William CLAXTON & Joachim E. BERENDT. Jazz Life, Editions Tashen, 2005.

En 1959 et 1960, le photographe William Claxton et l’éminent musicologue Joachim E. Berendt traversent les Etats-Unis sur la piste du jazz. De leur rencontre naît une extraordinaire collection de photographies et d’enregistrements d’artistes légendaires aussi bien que de musiciens de rue totalement inconnus. Ce sont ce voyage, ces photographies et ces rencontres que ce livre somme nous relate.

La coexistence des plus grands (Coltrane, Ellington, Bird, Monk, Mingus, Billie Holiday, etc.) avec les plus parfaits anonymes rendent au jazz son caractère populaire et épique. Outre être un bel et inépuisable objet, Jazz Life est bouleversant.

• Daniel CAUX. Le silence, les couleurs du prisme et la mécanique du temps qui passe.
Editions de l’éclat, 2009.

Les musiciens de la seconde moitié du XXe siècle, de John Cage à Richie Hawtin, en passant par les minimalistes américains, le free jazz et quelques inclassables et visionnaires, savent ce qu’ils doivent à l’écoute créatrice et généreuse de Daniel Caux. Passeur de sons, caravanier des musiques nomades, il a porté jusqu’à nos oreilles la conque de ses découvertes enthousiastes. Toute son action, depuis la fin des années 60, aura consisté à faire connaître et entendre celles et ceux qui dessineront notre paysage musical. Son écriture, toujours juste et précise, a accompagné au jour le jour cette aventure musicale: articles, textes de pochette de disques, programmes, émissions radiophoniques sur France Culture et France Musique, les textes rassemblés ici sont une histoire vivante du siècle sonore mise en musique par les musiciens mêmes.
« Voici le livre le plus nécessaire dans un temps vide : Le Silence, les couleurs du prisme & la mécanique du temps qui passe, de Daniel Caux (Editions de l'Eclat, 400 p., 36 euros). Montage formidablement tonique de ses textes publiés par L'Art vivant, Le Monde, Jazz Hot, etc. Daniel Caux (1945-2008), défricheur, intrépide activiste musical, petit bonhomme toujours pressé, toujours en retard, sauf sur son temps et sur son rire. » écrit Francis Marmande, en janvier 2010 dans Le Monde.

• Thierry PEREMARTI. Visiting Jazz : Quand les jazzmen américains ouvrent leur porte.
Editions Le Mot et le Reste, 2009.

Thierry Pérémarti a animé pendant dix ans, la rubrique " At home with... " pour Jazzman. L'idée consistant à rencontrer à leur domicile d'importants acteurs de l'histoire du jazz, Visiting Jazz regroupe quelques dizaines de ces entrevues menées sur les côtes ouest et est des États-Unis entre 1998 et 2009. Grâce à ces interviews accompagnées des photos prises par l'auteur, on rencontre ainsi sur le seuil de la porte, dans un canapé ou en chaussettes, les grands noms du jazz : Gato Barbieri, Ray Ellis, Chico Hamilton, Freddie Hubbard, Michel Petrucciani, Pharoah Sanders, Lalo Schifrin, Joe Zawinul...
Visiting Jazz est un livre émouvant, un bel hommage aux musiciens de l’âge d’or du jazz, animé par une écriture aussi précise que sincère.